Rituel simple et efficace pour s’aimer un peu plus
Christian St-PierreOn parle beaucoup d’amour de soi comme d’un idéal théorique, mais très rarement comme d’un geste concret du quotidien. Dans la vraie vie, on avance souvent avec un niveau de fatigue déjà élevé, une impression de courir après le temps et une petite voix intérieure qui passe plus de temps à critiquer qu’à soutenir. Dans ce contexte, « s’aimer soi-même » sonne vite creux ou culpabilisant, comme quelque chose qu’on devrait ressentir spontanément… alors qu’en réalité, ça se pratique.
Je vois l’amour de soi non pas comme un état magique, mais comme un petit rituel répétitif qui, à force de revenir, finit par modifier en profondeur le regard que l’on porte sur soi. Rien d’extraordinaire, rien à afficher sur les réseaux. Juste une façon plus juste, plus douce, d’être présent à soi dans le flux normal d’une journée.

Revenir à soi sans se juger
Le rituel commence par quelque chose de très simple : se demander honnêtement comment on va. Pas « comment je devrais aller », pas « ce que les autres attendent de moi », mais : dans quel état je me trouve vraiment ce matin, maintenant, tout de suite.
Ça peut se faire en une minute, assis au bord du lit, dans la cuisine, ou même dans la voiture avant de partir. Il s’agit simplement de scanner ce qui se passe : le niveau d’énergie, les tensions dans le corps, la qualité du souffle, l’humeur du moment. On ne cherche pas à analyser ni à dramatiser. On constate. Et rien que ce geste-là est déjà une forme de respect : au lieu de se lancer dans la journée en mode automatique, on prend acte de ce qu’on vit.
Ce retour à soi sans commentaire ouvre une petite brèche. On n’est plus seulement en train de subir sa journée : on redevient un peu sujet de ce qui va suivre.
Ajuster la voix intérieure
Une fois qu’on a reconnu son état, on peut prêter attention à la façon dont on se parle. Pour beaucoup d’entre nous, la bande-son intérieure est rude : reproches, « tu aurais dû », « ce n’est pas assez », « tu n’y arriveras pas ». On finit par considérer cette voix comme normale, alors qu’elle est souvent épuisante et injuste.
L’idée n’est pas de se mentir ni de se répéter des phrases positives qui ne sonnent pas vrai. C’est plutôt de vérifier si ce qu’on se dit aide réellement. On peut se poser une question simple : est-ce que le ton que j’emploie avec moi, là, maintenant, me donne un peu de courage ou m’en enlève ?
Si la réponse est non, on peut essayer de déplacer légèrement le ton. Par exemple, au lieu de « allez, bouge, tu n’as pas le droit d’être fatigué », on peut dire : « oui, tu es fatigué, mais tu peux avancer par petites étapes ». Le contenu reste lucide, mais le climat change. On passe de la pression à l’accompagnement. Sur le long terme, ce changement de ton intérieur est un pilier de l’amour de soi.
Un geste concret qui dit « tu comptes »
Vient ensuite un geste très simple, choisi pour soi, qui envoie au corps un message clair : « je ne me laisse pas tomber ». Il n’a pas besoin d’être long, spectaculaire ni cher. Il peut s’agir de quelques respirations profondes devant une fenêtre ouverte, de marcher cinq minutes dehors, de boire lentement un verre d’eau en s’accordant une vraie pause, ou de s’étirer pour dénouer un peu le dos et le cou.
Ce qui compte, ce n’est pas la forme exacte du geste, mais son intention : au lieu de passer en force sur ce qu’on ressent, on prend un moment pour se soutenir. Le corps, lui, ne fonctionne pas avec des théories. Il comprend les actes. Un petit geste répété chaque jour lui apprend progressivement que sa fatigue, sa tension, ses besoins ne sont plus ignorés.
Une promesse légère que l’on tient vraiment
Pour que ce rituel ne reste pas purement symbolique, j’aime y ajouter une micro-promesse à soi pour la journée. Pas une liste de résolutions ni un programme de transformation personnelle, juste une chose concrète que l’on s’engage à faire pour soi-même et que l’on a réellement les moyens de respecter.
Ça peut être décider de se coucher un peu plus tôt, de prendre un vrai repas plutôt que de grignoter debout, de terminer une petite tâche que l’on repousse depuis trop longtemps, ou de dire non à quelque chose qui dépasse clairement nos limites. L’important, c’est que ce soit précis, humain, et faisable dans la journée qui commence.
Ce qui nourrit l’amour de soi, ce n’est pas le nombre de promesses que l’on se fait, c’est le nombre de promesses que l’on tient.
Fermer la boucle en fin de journée
Le soir, même fatigué, il est possible de consacrer quelques secondes à un dernier geste : se rappeler ce que l’on a fait pour soi dans la journée. Une seule chose. Parfois, ce sera un détail. Parfois, ce sera plus important. Peu importe.
Cette petite récapitulation sert à ancrer l’idée que, même dans une journée compliquée, on n’a pas complètement disparu de son propre champ de vision. On a pris un moment pour se voir, pour se parler autrement, pour poser un geste, pour se tenir parole. C’est discret, mais à force de répétition, ça change la relation que l’on entretient avec soi-même.
Ce que ce rituel construit, en profondeur
Ce rituel n’a rien de magique. Il ne garantit ni bonheur permanent ni estime de soi parfaite. Mais il installe une dynamique différente : au lieu d’attendre de « se sentir mieux » pour enfin s’aimer, on commence à s’aimer un peu plus pour pouvoir, petit à petit, se sentir mieux.
À travers ces étapes, se remarquer, ajuster le ton intérieur, poser un geste concret, tenir une petite promesse, reconnaître l’effort le soir, on construit quelque chose de très simple mais très précieux : l’expérience répétée que l’on peut compter sur soi. Et c’est souvent là que l’amour de soi commence réellement : non pas dans un sentiment grandiose, mais dans ce constat tranquille, jour après jour, qu’on ne se laisse plus tomber aussi facilement.